LA MORT ET LES FUNÉRAILLES CHEZ LES MOUSSEY

Écrit par Gabriel Arroyo le .

(Notes sur la CULTURE MUSEY fruits des sessions et des rencontres du « Groupe Inculturation » tenues à Gounou-Gaya en Juillet 1999 et en 2003.)

Mort chez les MuseyLes Musey comme beaucoup d’autres ethnies en Afrique pensent la même chose que cet écrivain africain. Mais comment vérifie-t-on cela dans la réalité de la vie quotidienne ? Les Musey pensent que ceux qui sont morts voient les vivants, les fréquentent, les guettent… Ils deviennent bons ou mauvais selon le rapport que les vivants entretiennent avec eux. Quand les morts et les vivants se rencontrent-ils ? Il n’y a pas un moment fixe. Ça peut être le jour ou la nuit.

 

Comment se rencontrent-ils ? Ça peut être dans un rêve, dans une apparition, lors d’un sacrifice offert à leur intention, lors du passage d’un tourbillon, dans le vent, au cours d’un repas, lorsqu’un morceau de la nourriture vous échappe et qu’elle tombe par terre, on dit que ce sont les ancêtres qui ont arraché ce morceau. Enfin, lorsqu’une personne meurt, il faut faire un rite pour toucher à son cadavre, parce qu’elle veille encore sur ce corps. Elle va emporter la première personne qui va toucher à son corps. Il faut la chasser de ce corps. Et le troisième jour, il faut faire un autre rite pour chasser le défunt hors du village. Sans faire cela, il restera dans sa concession et fera du mal à ceux de sa maison et même à ceux du village… Il faut aussi souligner qu’avant sa mort, le malade dit à ceux qui l’assistent qu’il reçoit la visite de ses parents morts, qu’il s’entretient avec eux. Dans le rêve le malade va avec les morts dans leur village où on est plus heureux que dans le village des vivants. Ils lui montrent même la maison qu’ils sont en train de construire pour lui. Tant que la maison n’est pas bien construite, ils ne le retiennent pas pendant cette visite. Le malade voit déjà à ce moment qui est pour hâter sa venue parmi les morts et qui ne l’est pas…

Comment les banana vivent-ils la mort ?

Souffrance. La mort est un moment de souffrance. On souffre du manque d’un membre de la famille et du lignage. On ne le verra plus, il ne nous donnera plus à manger, ne prendra plus notre défense face à l’ennemi.

La mort est un moment de souffrance parce qu’elle occasionne beaucoup de dépenses pour la famille et pour le village. On perd beaucoup de temps de travail…

Peur. La mort suscite beaucoup de peur dans l’esprit des gens surtout dans l’esprit des veuves et des enfants. Parce qu’on croit que les morts voient les vivants, les fréquentent, les guettent… Ils deviennent bons et mauvais. Il faut s’en méfier et se fier en même temps à eux. La mort est opposé à la vie donc on craint cela (ex. quelqu’un qui vient de se fiancer, ne va pas aux funérailles…)

Solidarité. Si la mort est un moment de souffrance et de peur, elle est aussi un moment de solidarité. On est entouré de la chaleur humaine de tous ceux et de toutes celles qui viennent partager ce moment de douleur avec vous. Ils vous apportent leur soutien matériel, financier, moral… un moment d’union entre les vivants contre la mort qui les frappe.

Réconciliation. La mort est également un moment de réconciliation. L’ancien de la famille, dans son discours de remerciement aux parents et amis présents et d’adieu au défunt, doit retracer l’histoire du lignage ou de la famille. Souligner les moments de gloire de cette famille et les moments de faiblesse. Et après il souligne ce qui se passe concrètement entre les membres de cette famille, dire à chacun sans complaisance le tort qu’il cause aux autres. Chez les Musey la division au sein de la famille permet au malheur d’y entrer.

Chacun des membres de la famille doit reconnaître son tort pour refaire l’unité. En reconnaissant son tort, chacun se prépare à la réconciliation le jour des rites qui suivront l’enterrement. La mort réconcilie même les pires ennemis. C’est pourquoi les Musey disent : « suluk matna ka di ». C’est à dire qu’on ne peut pas garder la haine contre celui qui vient de mourir ou contre sa famille.

Normalement on peut demander au devin la cause de la mort. A travers la divination « tin garira » on peut savoir que la mort est venue d’une division existant dans la famille ou d’une malédiction, alors il faut faire un acte de réparation pour éviter que la mort ne revienne.

Aux funérailles on cherche la paix mais il y a aussi la « bagarre » pour les femmes, le tambour, la jalousie ou bien les accusations et la recherche du coupable de la mort. On ne couche pas avec les femmes (un u matna ni zla cora) et on ne rit pas, c’est une chose des fous (san u matna ni va ma guru’ra). Avant les gens prêtaient beaucoup d’attention afin que la mort ne frappe plus. Les enfants n’allaient pas à la place mortuaire. (Gor kemba ka hinizi huu di). Celui qui n’a pas perdu une femme fait attention de ne pas saluer un qui l’a déjà perdue. Une femme qui n’a pas perdu d’enfant ne va pas aux funérailles d’une femme qui est morte en couches ou bien qui a avorté.

Si quelqu’un mourait loin du village, pour rentrer on évitait de passer dans un autre village et on coupe une route aux abords, autrement on amène la mort chez eux. Si on rencontre un cortège funèbre en route, on s’arrête et on reste tranquille.

Tombe entourées de boisoLes différentes étapes des funérailles Musey

Avant la mort

•Concertation (gaga matna)

Après la mort (dans la concession)

•Premiers cris (gi iirira)

•Lavage (mbussa)

•Attacher, envelopper le mort (gan matna)

•Envoyer le message (bee sun matna)

•Prendre le tambour (yow timma)

Avant les funérailles

•Soulever la tête (pon yamba)

•Sortir le cadavre dehors (sli matna ki buruwa) = moment de passage

•Cris (gi boboora)

•Offrandes jetées (cayna)

Pendant les funérailles (dehors à la place mortuaire). Veiller le cadavre (Buu matna)

•Le mettre à l’ombre (slam ki u ngussã)

•Discours (bolla)

•La peau (bakna)

•Le trou (vun zulla)

•Discours (bolla)

•Enterrement : creuser le trou, le mettre devant le trou et le caler dedans (Pi matna : vek zulla, gam vun zulla, slam huu zulla.)

Après les funérailles

•Purifier la tête (po yamba)

•Le bois (vun guna)

•Le deuil (zuuruna)

•Casser l’héritage (hawat jona)

•Partage de l’héritage (borow jona)

Plus tard (après une année)

•Le tombeau (ussa)

•Les pieux (gobollã)